Zoom sur... Thibaut FROEHLY (décembre 2018)

On ne peut pas décrire une photographie de Thibaut Froehly. Il faut la voir, la sentir, la respirer, pour mieux s'imprégner du travail de cet artiste photographe qui met tout son coeur et son talent dans la création de ses images. 

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Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

J'ai 31 ans et je viens de Liebsdorf, un petit village d’Alsace. Je suis passionné par la musique et la photographie. Depuis août 2018, je suis en reconversion professionnelle pour faire de la photographie mon métier. Mon projet sera basé sur mon travail personnel, l'accompagnement et la transmission des connaissances ainsi que la photographie artisanale.

Quand et pourquoi avez-vous commencé à photographier ? Et avec quel appareil ?

J'ai souvent eu l'occasion d'avoir un appareil photo entre les mains, car mon père était correspondant pour le quotidien "l'Alsace". Mon oncle m'a offert mon premier appareil photo dans les années 90, un compact argentique Canon "Prima Zoom Mini". Je ne faisais alors que des "photos souvenir". Ce n'est qu'en 2014 que j'ai commencé à m'intéresser plus sérieusement à la photographie et que j'ai commencé à me former.

Pourquoi avoir choisi la photographie pour vous exprimer ?

Je n'ai pas vraiment choisi, la photographie s'est imposée. J'ai découvert en 2014 des photos de paysages qui m'ont subjugué et transporté. Même si je ne sais plus qui était l'auteur des images, je savais juste que j'avais mis le doigt sur quelque chose. C'est à partir de là que j'ai commencé à faire des recherches, à me questionner et à m'investir dans ce domaine pour arriver à produire quelque chose qui correspondait à ma vision. J'ai envisagé un temps de me mettre à peindre pour avoir plus de liberté et pouvoir créer mes propres compositions et mes propres couleurs. J'ai pour l'instant décidé de me concentrer sur une seule discipline avant d'en découvrir d'autres.

Comment définiriez-vous votre pratique ?

Je vis mon travail photographique comme une quête. Le but de cette quête, même s'il pouvait paraître clair et maîtrisé au début, m'échappe de plus en plus. Cela ne m'inquiète pas vraiment, puisque qu'au final c'est le cheminement qui importe. Je pense que l'essence de mon travail réside dans une forme de communication avec le monde.

Mon travail est d'abord introspectif. Nous mettons beaucoup de nous-mêmes dans nos photos. Mes photos m'en ont donc appris plus sur moi, et j'ai mis plus de moi dans mes photos. La photographie m'a rendu plus ouvert, plus calme, plus exigent et plus confiant. Elle m'a permis de mieux comprendre le monde qui m'entoure, de le respecter et surtout de communiquer avec lui.

En effet, j'ai trouvé dans la photographie le langage avec lequel je m'exprime le mieux : l'image. L'image est au cœur de mon travail. Pour moi, l'image seule doit suffire à exprimer quelque chose. Quand je montre mes images, je tente de communiquer. La première lecture de l'image, la plus importante, se fait dans les premières fractions de seconde, avant toute analyse consciente. Le spectateur peut être touché, interpellé, intrigué, apaisé, fasciné par l'image. Si c'est le cas, c'est là que la communication primordiale a lieu, intuitive, inconsciente, insaisissable, sans a priori, une connexion directe, de cœur à cœur, d'esprit à esprit, d'âme à âme. Les lectures suivantes se font de manière plus consciente et réfléchie. Si elles permettent de valider la première lecture, alors la communication a pleinement eu lieu.

Qu'est-ce que vous apporte l'acte photographique ?

Outre la communication, je pense que la photographie m'apporte du sens. Mes photographies sont futiles car elles n'ont aucune utilité directe. Mais pourtant elles me sont indispensables. Si mon corps ne manque de rien, je crée des photographies pour nourrir mon esprit.

La photographie m'a déjà entraîné dans de nombreuses aventures, m'a fait faire beaucoup de rencontres qui m'ont mené vers d'autres aventures. Je pense que cela va continuer. 

Mes moments préférés restent sur le terrain, devant un paysage qui me parle, quand arrive un sujet ou une lumière qui me fait dire : "waouh !". Je me sens très bien. Je déclenche. Ces moments fugaces justifient toutes les questions, tous les doutes, tout l'investissement, tous les échecs nécessaires pour arriver à ces instants. J'essaie de les immortaliser en photo pour les revivre et les partager.

Avez-vous d’autres sources d’inspiration que l’art photographique ?

Premièrement, les autres arts visuels :

- La peinture est une discipline dont je me sens "proche". Vous le verrez pendant l'exposition. La composition, le choix des couleurs, le travail de la lumière, de la texture et de la profondeur sont des aspects communs entre ma photographie et la peinture.

- Même si je ne regarde que très peu de films, j'ai Également emprunté quelques techniques utilisées au cinéma.

Au-delà de ça, tout est source d'inspiration : la musique, les couleurs, des idées, des histoires, des rêves, des visions.

Quel regard portez-vous sur l’art en général et sur la photographie ?

La révolution numérique a permis de démocratiser la pratique de l'art et de la photographie. C'est réjouissant pour moi car j'ai pu avoir accès facilement à la photographie et à la connaissance qui l'entoure.

Le terme "photographie" regroupe un grand nombre de pratiques, et depuis la révolution numérique, un grand nombre de pratiquants. Photographie instantanée ou "souvenir", photographie de loisir, photographie documentaire, photojournalisme, photographie artisanale et commerciale, photographie d'art et photographie plasticienne...

L'augmentation du nombre de photographes et d'artistes, parfois auto-proclamés, a entraîné une sorte de cacophonie. Il y a autant de définitions de la photographie que de gens faisant des photos ! Quand on débute en photographie, on peut entendre tout et son contraire, on découvre qu'il y a des cases, on peut même être invité à choisir un camp, le bon... :)

Je pense qu'il n'existe pas de cases ni de frontières entre toutes ces disciplines. Chacun doit pouvoir choisir sereinement sa propre voie, l'assumer et l'expliquer. J'aimerais donc que l'information circule de manière plus objective, que le dialogue soit plus ouvert et plus serein entre les acteurs de la photographie. Il en va de l'image de l'avenir de la photographie.

Quel est l’avenir de la photographie, selon vous ?

Au niveau artistique, la photographie est en train d'être acceptée comme 8e art.

Concernant la photographie professionnelle, même si des métiers sont sinistrés comme le photojournalisme, le besoin reste là et je pense que le travail de qualité aura toujours un avenir, même s'il doit s'adapter à l'évolution du marché.

Les gens voient aujourd'hui les photos sur les écrans de téléphones et de tablettes, en se connectant sur Instagram et d'autres réseaux. Selon moi, ces pratiques prennent peu à peu la place de la télévision dans le quotidien. La demande est grande et continue de grandir. Un avenir passe donc par les nouvelles technologies et internet.

Tous les constats des deux dernières questions m'amènent à la conclusion suivante : l'avenir de la photographie passe par l'éducation, le dialogue et la formation. Il y a un grand travail à faire. Apprendre à lire et comprendre les images, être capable de juger de la pertinence d'un travail photo, apprendre à créer des images, être sensibilisé à la qualité plutôt qu'à la quantité, communiquer et dialoguer autour des images, développer sa culture photographique... Au temps de la surinformation et de la désinformation, comprendre l'image permet de mieux comprendre le monde et de faire des meilleurs choix.

Je salue le travail de l'association Mode ouverture qui œuvre en ce sens : sensibiliser, Éduquer, former, en promouvant plutôt qu'en dénigrant. Le tout dans une bonne ambiance et un esprit d'entraide.

Quel grand maître de la photographie admirez-vous le plus ?

Même si nos travaux sont différents, je vais citer Éric Bouvet car son travail m'inspire beaucoup. C'est un très grand photographe qui a su garder les pieds sur terre, un point commun avec beaucoup d'autres "grandes" et "grands" dont j'ai pu découvrir plus en détail le travail.

Un autre point intéressant est qu’Éric Bouvet place l'image au centre de son travail. Sa construction de l'image, les sujets et les instants qu'il choisit sont au service d'une image claire et porteuse de message, tout en ayant une valeur esthétique indéniable. Il reste Également impitoyable dans le choix des images. Une image qui ne dit rien visuellement, aussi fort soit l'événement représenté ou l'Émotion qui y est rattachée, est "mise à la poubelle".

Votre exposition s’intitule « De la réalité au rêve... ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ce titre correspond à une constante dans mon travail. Avec mon appareil, un outil censé à la base reproduire la réalité, j'essaie de créer des images qui nous entraînent dans un autre monde, qui nous Évoquent autre chose que la réalité ou qui la présentent selon ma vision.

Il correspond Également bien au cheminement dans l'exposition. La première série, "Douceur" représente des paysages naturels plutôt figuratifs. La deuxième série, "L'avant-garde", décrit un monde plus Énigmatique et minimaliste, moins réel. Dans la dernière série enfin, "Un nouveau monde", l'univers est définitivement onirique, où quasiment tout est à l'envers !

Quelles ont été les principales difficultés liées à ces séries artistiques ?

Ma principale difficulté a justement été de construire des séries. Je produis très peu, et mon processus de production prends du temps. Devoir éliminer des images déjà produites, en produire d'autres pour arriver à des séries cohérentes a été un travail de longue haleine.

Avant de porter l'appareil photo à votre œil, avez-vous déjà imaginé le cadrage de la photo ?

Pas forcément. Je commence par observer. Si je repère un sujet, une perspective ou un point de vue intéressant (de préférence en prononçant un petit "waouh !"), il faut encore voire si cet intérêt peut se traduire en photo. J'essaie alors de cadrer et de composer avec le viseur. Si l'intérêt est toujours là, je déclenche et je regarde la photo sur l'Écran. La regarder sur écran crée une distance qui me permet d'évaluer plus objectivement l'intérêt de la photo. Je la vois un peu comme une personne extérieure la verrait. Si la composition répond à toutes mes exigences, je la compare avec les autres compositions possibles. J'essaie ensuite de hiérarchiser les compositions pour offrir la meilleure lumière à la composition qui m'attire le plus, quitte à ne faire qu'une seule photo.

Comment choisissez-vous vos images lors de l'éditing sur l'ordinateur ?

Le tri des photos prises lors d'une sortie est simple. Je prends l'image qui a été prise lorsque j'ai dit "waouh" en déclenchant. Pour l'édition des séries, l'idée est de choisir les images fortes qui ont leur place dans la série. C'est quelque chose de compliqué pour moi, car il faut mettre de la distance avec ses photos et ignorer le côté affectif. C'est très dur de rester objectif avec ses propres photos. Je demande donc toujours conseil à des amis, qui m'aident à choisir et m'orientent.

Imprimez-vous vous même vos photos ?

J'ai essayé, du moins pour des petits formats. Mes relations avec les imprimantes ont toujours été compliquées, celles avec mon imprimante photo encore plus...

Je n'ai jamais réussi à obtenir un résultat qui me satisfasse totalement. J'ai calibré ma chaîne graphique, utilisé les bons profils, le problème vient sans doute de l'imprimante que je devrais calibrer. J'ai décidé de ne pas acheter de sonde pour arrêter les frais et pour ne pas m'arracher les derniers cheveux qu'il me reste...

Je fais maintenant systématiquement appel à des professionnels, chacun son métier ! J'ai eu l'occasion de tester trois laboratoires et le résultat était toujours impeccable. Je travaille aujourd'hui avec l'Équipe d'Impression Panoramique près de Strasbourg ( http://impression-panoramique.com/ ). Ils sont simplement très professionnels, réactifs et arrangeants. Ce sont également des photographes passionnés dont j'apprécie le travail. Ils sont à l'écoute et leurs conseils ont été précieux pour faire mes choix. Même si je n'ai pas besoin de me déplacer car ils expédient les tirages, j'aimerais qu'ils soient plus près pour leur rendre visite plus souvent ! Je n'ai pas d'actions chez eux, je suis juste un client satisfait.

Pour vous, l'appareil photo est un outil ou un instrument ?

En numérique, c'est d'abord un outil car il est interchangeable et joue au final un rôle très limité dans le résultat photographique. En même temps, comme un musicien, on connaît et on s'attache à son instrument car il nous a suivi et a partagé notre aventure.

Quel matériel utilisez-vous ?

Je travaille en numérique. Pour le paysage, j'utilise deux couples boîtier/objectif : un Sony a7r (plein format) avec un Canon 16-35mm F4 et un Sony a6000 (format APS-c) avec un Sigma 18-200mm f3.5-6.3 (Équivalent à un 27-300mm en plein format).

J'utilise un trépied quand la lumière devient plus faible, ou si je veux travailler avec plusieurs images différentes. J'utilise aussi parfois des filtres gris neutres pour allonger le temps de pose.

Quels sont vos 2 objectifs préférés ?

Pour le paysage, les deux objectifs précités. Ils me permettent de couvrir toutes les focales, du très grand angle pour immerger le spectateur dans un grand espace au téléobjectif pour isoler un détail au loin. Tout cela avec une très bonne qualité d'image, un poids et un prix très contenus.

Focales fixes ou zoom ? Pourquoi ce choix ?

J'ai toujours privilégié les zooms, car même si on peut cadrer avec ses pieds, on ne peut pas toujours aller exactement où l'on veut en paysage. J'accorde beaucoup de soin à mes compositions à la prise de vue et je ne recadre mes paysages qu'à de rares occasions. Pour cela, il faut parfois reculer d'un pas et zoomer d'un ou deux millimètres, d'où l'intérêt pour moi d'avoir un zoom.

Avez-vous un accessoire qui vous est particulièrement utile dans votre approche photo ?

Pour le paysage, il faut être au bon endroit au bon moment. Un bon sac, de bonnes chaussures, des cartes, une lampe poche ; autant d'accessoires qui permettent d'atteindre le bon endroit au bon moment, et d'en revenir !

Quels conseils donneriez-vous à un photographe débutant ?

-Trouvez si possible votre domaine de prédilection. Dans tous les cas, investissez-vous. 

-Restez sincères et faites les photos avant tout pour vous.

-Soyez exigeants avec votre travail. Triez. Ne gardez que le meilleur. Puis triez encore le meilleur.

-Arrêtez de chercher des excuses. VOUS êtes responsables des photos que vous produisez.

-N'hésitez pas à demander conseil et à montrer votre travail. Les critiques peuvent faire mal, mais elles remettent en question et font progresser. N'acceptez cependant que les critiques et les conseils des gens qui font des photos que vous aimeriez savoir faire ! Sinon vous risquez d'aller dans la mauvaise direction...

-Garder toujours le plaisir de photographier.

Un petit mot pour vos lecteurs et futurs visiteurs ?

Après tout ce discours autour de l'image, il serait temps d'en voir ! Je présenterai les miennes à l'exposition, au plaisir de vous y rencontrer.

ABECEDAIRE :

T comme Travail, la base pour réussir n'importe quel projet, même sans aucun talent inné.

H comme Harmonie. Je recherche beaucoup l'harmonie dans mes compositions, dans mes couleurs.

I comme Intuition. C'est souvent elle qui nous guide vers les meilleures décisions.

B comme Bienveillance, le ciment de l'Humanité. Elle nous fait trop souvent défaut.

A comme Apprendre, tous les jours, toujours.

U comme Universalité. Je pense que tous les humains partagent au fond d'eux des valeurs et des mécanismes communs. Je pense que plus un travail est personnel et sincère, plus il est enclin à parler "de manière universelle", à beaucoup d'êtres humains.

T comme Transmettre. La photographie se partage, j'ai tout appris grâce aux autres et j'aime transmettre ce que j'ai appris.

 

F comme Foi. Je pense qu'en plus de croire en soi, il est important de croire en un but. Même s'il est lointain ou paraît impossible à atteindre aujourd'hui, il restera le phare au loin qui fera garder le cap malgré les nombreux obstacles à franchir.

R comme Rêve. Je suis un rêveur, souvent perdu dans mes pensées. C'est une composante importante de ma photographie.

O comme Œil. L'outil premier du photographe. C'est lui qu'on améliore au fil des années de pratique...

E comme Esthétisme. Une autre une composante importante de ma photographie.

H comme Humilité. Reconnaître et accepter que l'on ne sache pas grand-chose est indispensable pour espérer apprendre et progresser.

L comme Lumière. Elle reste la base de la photographie, c'est aussi un symbole très important pour moi.

Y comme le Yin et le Yang, un symbole d'Équilibre, de complémentarité, sans haut ni bas.