Utilisant l’outil numérique comme moyen d’expression, je m’efforce de remettre en question les codes de la représentation par le biais d’un langage visuel personnel qui utilise le vocabulaire du design graphique et puise son inspiration dans la photographie. Bien que réalisé numériquement, mon travail s’exprime essentiellement à travers la surface imprimée.
Je travaille à partir de photographies dont je vais extraire de la matière graphique presque microscopique pour reconstruire l’image à ma façon ou m’abandonner à des compositions abstraites, créant ainsi un univers pictural où le détail est le maillon essentiel de la perception.
Je ne reproduis rien, j’invente, j’interprète.
Devant mon écran, je sculpte de la poussière d’images au gré de ma sensibilité, explorant des combinaisons improbables de formes et de couleurs apportées par ces éléments graphiques qui agissent comme des pigments macroscopiques pour recomposer l’image et créer des nuances.
Je ne sais pas où je vais. J’avance, testant méthodiquement les interactions de formes et de couleurs, jusqu’à ce que l’ébauche d’un monde surgisse devant moi et m’accroche. Je me laisse alors guider. Domptant l’imprévu, provoquant l’inattendu, je suis condamné à progresser car le retour en arrière est limité, presque impossible. L’équilibre est souvent instable. Il arrive que l’œuvre m’échappe par un excès de curiosité.
Cartographies de mondes imaginaires, vues du ciel, plongées dans la matière organique à travers un microscope; mes créations sont nourries de ces incroyables images qu’il faut aller chercher et demandent parfois un effort d’observation, de ces images qui nous transportent du fond de l’univers jusqu’à l’intérieur de la matière, qui nous déstabilisent par le manque de repères et la démesure des rapports de grandeur, ces images qui nous donnent envie d’aller voir toujours plus loin.
Remplaçant l’instrument d’optique par la distance physique, je crée des œuvres qui offrent plusieurs niveaux de lecture, allant à l’encontre de la représentation commune de l’image bidimensionnelle qui nécessite une distance d’observation proportionnelle à la taille de l’image. Mais cette distance de confort entre l’œil et l’œuvre est insaisissable. Mes créations sont comme un piège qui exerce une attirance incontrôlable. Dès le premier regard, le doute s’installe entre ce que l’on perçoit et ce que l’on croit voir. L’envie de se rapprocher pour comprendre ce que l’on voit est irrésistible, nous déstabilise, nous emporte. Plus on s’approche, plus l’image se transforme en un univers abstrait.
Je façonne des univers complexes qui ne dévoilent pas tout à la première lecture, des univers qu’il faut apprivoiser, se donner la peine de découvrir et dans lesquels le regard parfois se perd.
Chaque œuvre est comme un instantané saisi dans cette progression vers l’infiniment petit où l’on découvre l’importance de ces minuscules éléments que l’on croit insignifiants, négligeables et qui, pourtant, ont tous leur importance dans l’existante même de la composition.
C’est un univers qui nous échappe, complexe, recomposé et multiple, sans repère, un univers que le regardant découvre puis explore sans jamais parvenir à en faire le tour ou à se l’approprier en totalité.
Notre perception du monde change selon notre point de vue, selon ce que l’on veut y voir ou ce que l’on croit y voir et selon notre degré de curiosité.