Zoom sur... Régine HEINTZ (novembre 2017)

En toute discrétion, Régine Heintz pose son regard sur notre environnement. Ses photographies, empreintes de poésie, cherchent à nous faire prendre conscience que tout ce qui nous entoure à un sens…

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je vis en Alsace. Bibliothécaire de métier, et auteur-photographe par passion, je passe une bonne partie de mon temps libre à faire des photos, à les trier (une partie très chronophage) ou simplement à penser photo ! Même sans appareil entre les mains, mon esprit ne peut s'empêcher de faire des cadrages dans le réel.

Quand et pourquoi avez-vous commencé à photographier ? Avec quel appareil ?

J'ai eu mon premier appareil photo en main vers l'âge de 12 ans, un Kodak, il me semble. Le seul réglage possible était une position "Soleil" ou "Nuageux" et les négatifs étaient minuscules. Une de mes toutes premières photos était celle d'un arc-en-ciel. D'appareil compact, en reflex argentique puis numérique, j'ai maintenant un reflex numérique plein format avec lequel je me régale, même si parfois je le trouve un peu lourd. Pourtant je ne me balade pas avec des téléobjectifs car je suis plutôt adepte des objectifs grand angle. Dans les années 1990, j'ai appris à développer le noir et blanc dans un photo-club, et même à faire des tirages couleur. Mais l'aspect "laboratoire" n'était pas ce que je préférais. Le côté positif était de pouvoir maîtriser tous les aspects de l'acte photographique, de la prise de vue au tirage mais l'inconvénient était les heures passées dans une ambiance lumineuse très particulière (avec cette lumière inactinique rouge) et dans les effluves des produits (révélateur, fixateur...). Je suis bien contente aujourd'hui de pouvoir m'occuper de mes tirages, devant mon ordinateur et de lancer les impressions sur mon imprimante à jet d'encre pigmentaire.

Qu'est-ce que vous apporte l'acte photographique ?

Concentrée sur la prise de vue, je me sens étrangement plus proche du réel. Faire des photographies permet de garder les yeux grands ouverts sur le monde qui m'entoure. Comme je le dis en introduction sur mon site internet : " Le monde est riche en surprises et plein de poésie, du minuscule au grandiose, des petits bouts de nature jusqu’aux grands espaces… " Je souhaite ainsi retransmettre mon regard sur ce monde que je perçois avec un brin d’émerveillement. Un paysage, une forme, une situation, que je trouve esthétique, drôle, une belle lumière ou une forme particulière, tout peut être prétexte à déclencher à partir du moment où il y a un petit quelque chose qui me touche.

Comment définiriez-vous votre pratique ?

J'aime bien me laisser surprendre, partir avec l'appareil photo sans but précis. Je me force parfois à travailler sur un sujet particulier. Les contraintes sont aussi source d'inspiration et poussent à la créativité.

Votre exposition s’intitule «En suspens ». Pouvez-vous nous en dire plus ? 

"En suspens", c'est le point commun entre les deux séries que je vais présenter. Des silhouettes, des traces de pas, des volets fermés... toute la vie semble en suspens. Que s'est-il passé ou que va-t-il arriver ? Pourquoi cette maison semble-t-elle abandonnée, va-t-elle un jour retrouver une nouvelle vie ? Ces traces de pas dans le sable, vers où vont-elles, vont-elles disparaître lors de la prochaine vague ? Les images évoquent toutes la vulnérabilité et l'éphémère, de manière poétique et graphique.

Quel regard portez-vous sur la photographie en général ? 

Aujourd'hui, la photo est partout. Le nombre de partages d'images sur Internet et les réseaux sociaux donnent le vertige. Il y a à prendre et à laisser... Le travail des photographes semblent parfois noyé dans cette surabondance. Les grandes agences photo ont du mal à survivre face aux micro-stocks qui bradent les images à quelques centimes. Les problèmes de droit à l'image font aussi obstacle à la spontanéité des prises de vue. Pourtant, je continue à croire que le travail des auteurs va continuer son petit bonhomme de chemin. Je veux croire que grâce aux expositions, aux éditions de beaux livres, la qualité du regard restera le plus fort. Nous connaissons tous les grands photographes d'hier, mais la relève est là et il y a bien entendu aussi des grands photographes aujourd'hui.

Quel grand maître de la photographie admirez-vous le plus ?

Difficile de ne citer qu'un seul nom ! J'admire Ansel Adams pour ses photos noir et blanc de paysages américains, Henri Cartier-Bresson pour ses photos de rue et son fameux instant décisif. Voici donc deux noms parmi les grands maîtres qui font partie de l'histoire de la photo. J'admire de nombreux autres photographes parmi les "anciens" mais aussi des contemporains, parfois moins connus comme Vincent Munier pour la photographie de nature, Pentti Sammalahti, photographe finlandais faisant du noir et blanc, Harry Gruyaert pour la couleur,... je m'arrête là mais la liste est longue.

Quel genre photographique vous attire-t-il ?

Je suis un peu une touche-à-tout, même si j'ai une prédilection pour la photo de nature et la macrophotographie, j'aime bien faire quelques incursions dans la photo de rue. 

Quelles sont les principales difficultés liées à votre pratique photographique ?

Au niveau de la prise de vue, je suis beaucoup moins à l'aise avec les photos de personnes. Au niveau de la pratique elle-même, ce serait le temps qui me manque.

Quel matériel utilisez-vous ?

J'utilise un reflex plein format Canon : le 5D Mark III.

Quels sont vos 2 objectifs préférés ?

J'adore l'objectif macro Canon 100 mm 2,8. J'utilise aussi très souvent le 24-105 mm.

Focales fixes ou zoom ? Pourquoi ce choix ?

J'ai deux zooms et deux objectifs fixes. Les zooms sont pratiques, compacts et pas trop lourds. Si je ne dois emmener qu'un objectif, c'est le 24-105 mm qui fait un peu "couteau suisse". Certains disent qu'avoir un zoom favorise la fainéantise... Mais un zoom ne m'empêche pas de me déplacer et de tourner autour de mon sujet...

Avez-vous d’autres sources d’inspiration que l’art photographique ? 

Le cinéma, la peinture, en fait tous les arts visuels peuvent m'inspirer.

Avez-vous un accessoire qui vous est particulièrement utile dans votre approche photo ?

Je n'aime pas m'encombrer d'accessoires, donc j'en ai très peu. J'ai un trépied que j'utilise très rarement, car j'ai l'impression de perdre un peu de liberté avec celui-ci. Je n'ai même pas de flash ! Un boitier et un objectif, ça me suffit dans la plupart des cas.

Avant de porter l'appareil photo à votre œil, avez-vous déjà imaginé le cadrage de la photo ?

Effectivement, j'imagine le cadrage avant de mettre l'oeil  derrière le boitier. Et lorsque je n'ai pas l'appareil sur moi, il m'arrive de fermer un oeil, et de placer l'autre derrière mes doigts que je referme comme si je regardais à travers le viseur.

Pour vous, l'appareil photo est un outil ou un instrument ? 

Un peu les deux. Un outil qui permet de façonner le réel et de bricoler en jouant sur les réglages, et un instrument qui permet, comme un instrument de musique, de donner son interprétation.

Comment choisissez-vous vos images lors de l'éditing sur l'ordinateur ? 

Après une prise de vue, j'ai tendance à laisser "reposer" les images sur la carte mémoire avant de les décharger sur l'ordinateur. J'aime bien laisser passer du temps avant de les regarder. Pour faire le tri dans les photos, je crois qu'il faut réussir à mettre de côté les émotions que l'on a ressenties au moment de la prise de vue. Le futur spectateur n'aura pas vécu la scène mais il faut aussi qu'il ressente quelque chose lorsqu'il regarde la photo. Il faudrait réussir à se mettre à la place de celui-ci. Parfois une photo réussie n'est pas celle que l'on aurais choisie en premier. Après avoir fait un premier choix, je laisse à nouveau reposer. Je reprends de nombreuses fois mes sélections pour les affiner au fur et à mesure. Le risque ensuite, c'est de les avoir tellement regardées, qu'on ne les voit plus ! J'ai parfois besoin d'avoir des avis extérieurs.

Quels conseils donneriez-vous à un photographe débutant ?

Faire des photos, encore des photos, toujours des photos. C'est en faisant des erreurs que l'on apprend : cadrage, paramètres de prise de vue,... il y a au départ beaucoup de choses à emmagasiner. Il faut ensuite réussir à faire ses réglages rapidement. Parfois, il faut aussi mettre de côté les règles photographiques classiques pour explorer de nouvelles manières de prendre des photos. Et puis, il faut surtout écouter ses envies et s'amuser.

Avez-vous un site internet, une page Facebook, ou autre ? 

J'ai un site Internet : www.f-comme-photo.fr sur lequel j'ai un blog que je mets à jour 2 à 3 fois par mois avec une image et un court texte. Ma page facebook : https://www.facebook.com/regineheintzphoto/

Un petit mot pour vos lecteurs et futurs visiteurs ?

Je suis ravie de pouvoir présenter mon travail lors de cette exposition personnelle. J'espère pouvoir échanger avec le public sur place car les retours sont toujours très importants à mes yeux. J'ai hâte de présenter mes images dans ce lieu magnifique où l'on s'y sent bien.